Influence

Publié le par lafillequirevaitdunbidondelaitetduneboitedechoco

Je suis en train de lire un livre sur l’histoire de la littérature britannique, en particulier du 19ème  et 20ème. Là, j’arrive à la fin et lis au sujet des théâtreux des années 60-70-80. Et d’un coup, je me suis rappelé quand j’ai fait du théâtre. J’étais nullissime. Mais ça m’a appris beaucoup de choses, entre autres, alors que j’étais dans un lycée privé qui aurait pu me rincer le cerveau, j’ai eu la chance d’être dans cette troupe (d’ailleurs composée d’un sacré paquet de couillons mais bon … passons !), ce qui est sûr, c’est que le gars qui nous mettait en scène était un type très ouvert et je me rappelle des pièces de Xavier Durringer. Alors certes, au début (j’avais 16 ans à peu près et j’étais très innocente à tous sujets !), j’étais quelque peu choquée des textes mais, quand j’y repense, je crois bien qu’ils m’ont beaucoup aidé à me former !

 

Je crois notamment que ma manière d’écrire est fortement inspirée de lui. J’aime son écriture « moderne » comme on dit, brute, directe, sans tabou, voire trash. Je suis comme lui : « de la banlieue », je n’ai jamais vécu dans les cités mais dans une petite ville qui était tranquille lorsque j’y habitais. [Mais la banlieue, c’est la banlieue, c’est un état d’esprit. Et je me suis toujours sentie proche de ceux qui, comme moi, viennent de banlieue (mais pas la banlieue violente, inhumaine ou même triste). Bref, jme sens proche des gars de banlieue comme Durringer, et dieu sait qu’il y en a. Tiens, Stromae, jvous donne dans le mille, il est de la banlieue de Bruxelles, et, je ne connais pas, mais jsuis sûre qu’il n’est pas dans une barre d’immeubles mais dans un quartier comme celui que j’ai connu : fort tranquille. Si jme trompe, oups.]

 

Bon, revenons à X. Durringer. J’ai trouvé un extrait (Histoires d’hommes) :

 

« J’aime les vieilles chambres d’hôtel. Les palaces décrépis au bord de l’eau. Les restaurants véranda avec vue sur la brume ou sur la mer. Le service toujours un peu désuet avec des jeunes serveurs et des serveuses d’un autre âge 1920. J’aime les hôtels l’hiver et l’automne. Je les aime avec presque personne à l’intérieur. Avec un veilleur de nuit qui veille. Certains ne dorment jamais. C’est toute une école. J’aime les clefs toujours différentes et les vieux numéros sur les portes. J’aime les petits-déjeuners et l’effort sur la porcelaine.

 

Toujours très amusant de voir la tête des clients. Qui a dormi sous le même toit? Souvent drôle. J’aime les couples qu’on voit traverser comme des ombres, monter l’un derrière l’autre en silence comme à la montagne un premier de cordée. J’aime les bruits et les couvre-lits de couleur sombre, l’effet du soyeux, les coussins et la couverture d’ajout dans le placard. J’aime la télé et les programmes télé qui n’ont plus rien à voir.

 

Là-bas tout m’inspire, c’est une attente, un transit, un déplacement, un petit déracinement, une absence, un manque, une espérance, une rencontre, l’espérance d’une rencontre. J’aime les grandes baignoires et les petites bouteilles de shampoo et le bonnet et la serviette à lustrer les chaussures qui ne sert à rien. J’aime la moquette dans les larges couloirs et toutes ces portes et les recoins et les beaux canapés dans le couloir qui ne servent qu’aux Anglais. Je dis ça, parce que ces canapés de couloir ne servent à rien mais j’y ai vu deux fois, deux couples anglais qui fumaient.

 

J’aime les grands escaliers et le silence et les ascenseurs qui craquent.

 

J’aime toujours le café le plus proche, là où j’achète mes cigarettes et le journal.

 

J’aime imaginer qui a dormi dans ce lit.

 

Dommage qu’ils mettent rarement un petit chocolat à la menthe sur l’oreiller et la petite serviette épaisse pour descendre du lit. Tout se perd pour le fonctionnel académique. Je déteste les chaînes d’hôtels. Toujours Le Figaro à lire au petit-déjeuner.

 

J’aime les savons et le petit papier autour. Le lourd peignoir quand il y a le nom de l’hôtel dessus.

 

J’aime les noms des hôtels. Les hôtels Bellevue et la belle vue ou les hôtels Beau-Rivage ou BelleRive ou l’hôtel du Lac avec vue sur le lac si on a de la chance.

 

J’aime téléphoner des nuits entières devant la télé. Je crois que les téléphones ont été conçus en premier pour les chambres d’hôtel. Pour la séparation des amants.

 

J’aime parler d’amour au téléphone. Safe sex.

 

J’aime le mini-bar où tout est mini, chips mini, mini-chocolat et mini-bouteilles d’alcool et mini-champagne à boire seule.

 

Je me revois encore avec mon premier amant dans ma première chambre d’hôtel, comme notre premier petit chez nous. J’avais tourné dans la chambre pendant un quart d’heure, des toilettes à la salle de bains, le lit, c’est là que ça allait se passer.

 

Et ça s’est passé. Point. Sans commentaire. Ma première rencontre avec le monde des hôtels a commencé par un échec retentissant.

 

Si les fantômes planent dans les chambres, ils ont dû se marrer, franchement. Au bout d’une heure mon jeune amant si fougueux en paroles pleurait dans mes bras. Il pleurait comme un enfant. Je me souviens qu’il avait un nom à particule un de machin, il a dû me prendre pour sa nourrice. Effrayant. Il m’a sucé les seins pendant trois heures, j’ai essayé tout ce que j’ai pu pour nous aider. Il a éclaté en sanglots. J’étais mal partie. Moi qui ne ferais pas de mal à une mouche. Ce coup bas porté à ma virginité allait conditionner toute la suite. Mais c’est une autre histoire. Le lendemain matin, je n’avais plus d’amant mais un petit chien larmoyant qui me suivait de pièce en pièce en me murmurant mon amour.

 

Il a voulu me ramener dans sa voiture décapotable, la capote ne me faisait plus d’effet, j’ai préféré prendre le train, enfin lui faire croire que je prenais le train, je suis restée. À me balader le long de la plage et dans les rues. Boire un verre. Et là j’ai rencontré un homme. Et là le hasard. Angelo était descendu dans le même hôtel que nous. Nous étions chambre cinquante-six et lui chambre quarante-six, l’étage en dessous de nous. Il avait passé la nuit d’avant, sous nous, et moi au-dessus avec mon crocodile suceur téteur.

 

Je m’étais juste trompée d’étage. C’était la même chambre, même couvre-lit, même salle de bains, même baignoire. J’ai tourné un quart d’heure avant de m’asseoir sur le lit. Angelo était déjà nu dans les draps et il me tendait la main.

 

Cette nuit-là allait conditionner toute la suite. Mais c’est encore une autre histoire.

 

J’ai toujours aimé les chambres d’hôtels. »

 

http://www.theatre-contemporain.net/textes/Histoires-dhommes/infos-texte/type/extraits/

 

Voyez ? Bon, on aime, on n’aime pas, c’est à vous de voir mais je me dis que j’aurais pu tout à fait écrire ce genre de choses. Attention, je n’ose pas dire que j’ai du talent. Ohla non ! Mais si j’ai un style, eh bien, je pense que c’est un style proche de Durringer. Et rien que pour ça, et même si j’étais nulle de chez nulle au théâtre, eh bien, ça m’aura au moins apporté Durringer (et la conscience qu'une écriture peut-être exaltante et peut parfois même se suffire à elle-même ! En tous cas, la conscience de l'(importance et la force de l') écriture !)  

 

Il faut que je m’y replonge (très très longtemps que je n’ai rien lu de lui !)

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