Noir Désir d'hier et d'aujourd'hui
Etant de mon époque (on peut difficilement nier cette affirmation, hein ?), j'ai une "tendresse" particulière pour Noir Désir et Bertrand Cantat. Je mets entre guillemets pour les raisons évidentes que vous connaissez tous (les scandales sur lesquels je ne reviendrais pas et qui concerne Bertrand Cantat).
Enfin, on pourra dire tout ce qu'on veut, Noir Désir reste un grand groupe de rock français que j'aimais, que j'aime et que j'aimerais toujours. Sans parler de ce que l'oreille entend, Noir Désir représente toute une génération et toute une part de notre histoire. Peut-être qu'un jour, dans les cours d'histoire de 2100, 2200, 2300 (si les humains existent toujours - Bah oui, avec des petits malins comme Ahmadinejad, la famille Kim Jong et autres, je ne donne plus cher de notre peau !), on parlera de Noir désir comme on parle aujourd'hui de Charles Trenet et Maurice Chevalier.
Les chansons engagées, l'attirance du communisme, la rage contre le capitalisme et l'indifférence face à ceux qui souffrent de la violence/de la dictature/des armes, aux démunis ... A moins de ne pas regarder autour de soi, il est difficile de ne pas sentir en phase. C'est notre génération ! L'alter-mondialisme a disparu, on ne parle déjà plus du commerce équitable et l'on a oublié toutes les horreurs du siècle passé pour commencer un nouveau siècle pire encore (le 11 septembre et tout ce qui suit depuis, et encore et toujours les guerres civiles terribles en Afrique qui n'épargnent personne et surtout pas les plus faibles, la Corée du Nord, la Birmanie, le duo Israël/Palestine, la drogue reine en Amérique du Sud et les femmes tuées par milliers à Ciudad Juarez ............ Je pourrais faire une liste mais elle serait tellement longue que personne ne la lirait jusqu' à la fin !).
"Ces gens-là
D’abord, d’abord, y a l’aîné
Lui qui est comme un melon
Lui qui a un gros nez
Lui qui sait plus son nom
Monsieur tellement qu'y boit
Tellement qu'il a bu
Qui fait rien de ses dix doigts
Mais lui qui n'en peut plus
Lui qui est complètement cuit
Et qui s'prend pour le roi
Qui se saoule toutes les nuits
Avec du mauvais vin
Mais qu'on retrouve matin
Dans l'église qui roupille
Raide comme une saillie
Blanc comme un cierge de Pâques
Et puis qui balbutie
Et qui a l'œil qui divague
Faut vous dire, Monsieur
Que chez ces gens-là
On ne pense pas, Monsieur
On ne pense pas, on prie
Et puis, y a l'autre
Des carottes dans les cheveux
Qu'a jamais vu un peigne
Qu'est méchant comme une teigne
Même qu'il donnerait sa chemise
A des pauvres gens heureux
Qui a marié la Denise
Une fille de la ville
Enfin d'une autre ville
Et que c'est pas fini
Qui fait ses p'tites affaires
Avec son p'tit chapeau
Avec son p'tit manteau
Avec sa p'tite auto
Qu'aimerait bien avoir l'air
Mais qui a pas l'air du tout
Faut pas jouer les riches
Quand on n'a pas le sou
Faut vous dire, Monsieur
Que chez ces gens-là
On n'vit pas, Monsieur
On n'vit pas, on triche
Et puis, il y a les autres
La mère qui ne dit rien
Ou bien n'importe quoi
Et du soir au matin
Sous sa belle gueule d'apôtre
Et dans son cadre en bois
Y a la moustache du père
Qui est mort d'une glissade
Et qui r'garde son troupeau
Bouffer la soupe froide
Et ça fait des grands flchss
Et ça fait des grands flchss
Et puis y a la toute vieille
Qu'en finit pas d'vibrer
Et qu'on attend qu'elle crève
Vu qu'c'est elle qu'a l'oseille
Et qu'on n'écoute même pas
C'que ses pauvres mains racontent
Faut vous dire, Monsieur
Que chez ces gens-là
On n'cause pas, Monsieur
On n'cause pas, on compte
Et puis et puis
Et puis il y a Frida
Qui est belle comme un soleil
Et qui m'aime pareil
Que moi j'aime Frida
Même qu'on se dit souvent
Qu'on aura une maison
Avec des tas de fenêtres
Avec presque pas de murs
Et qu'on vivra dedans
Et qu'il fera bon y être
Et que si c'est pas sûr
C'est quand même peut-être
Parce que les autres veulent pas
Parce que les autres veulent pas
Les autres ils disent comme ça
Qu'elle est trop belle pour moi
Que je suis tout juste bon
A égorger les chats
J'ai jamais tué de chats
Ou alors y a longtemps
Ou bien j'ai oublié
Ou ils sentaient pas bon
Enfin ils ne veulent pas
Parfois quand on se voit
Semblant que c'est pas exprès
Avec ses yeux mouillants
Elle dit qu'elle partira
Elle dit qu'elle me suivra
Alors pour un instant
Pour un instant seulement
Alors moi je la crois, Monsieur
Pour un instant
Pour un instant seulement
Parce que chez ces gens-là
Monsieur, on ne s'en va pas
On ne s'en va pas, Monsieur
On ne s'en va pas
Mais il est tard, Monsieur
Il faut que je rentre chez moi."
Revenons à nos moutons. J'ai entendu Kristina Rady (ex-femme de Bertrand Cantat qui fut folle de lui jusqu'à son suicide) expliquer que Bertrand avait une vision rêvée du bloc communiste, comme d'ailleurs beaucoup avant qu'il ne s'effondre et montre sa réalité au monde entier. Mais bon ... ce n'était pas le seul, hein ! Je pense que la majorité des sympathisants communistes se voilaient la face en pensant que le bloc communiste, c'était "Liberté, égalité, fraternité". Quoique je suis sûre qu'au fond, ils savaient bien que ça ne tournait pas rond et fermaient les yeux sur les manifestations écrasées, la corruption galopante, les camps où les opposants croupissaient, la propagande en veux-tu en voilà ..... Cela dit, n'oublions pas combien de millions de gens regrettent aujourd'hui ce temps-là (je parle de ceux qui l'ont vécu à l'époque, bien évidemment). Bref, quand le mur n'était pas encore tombé, Bertrand Cantat, et probablement les autres Noir Désir, rêvait d'un monde meilleur en pensant qu'il était de l'autre côté du "mur".
"
Sous la lumière en plein
Et dans l'ombre en silence
Si tu cherches un abri
Inaccessible
Dis-toi qu'il n'est pas loin et qu'on y brille
A ton étoile
A ton étoile
Petite sœur de mes nuits
Ca m'a manqué tout ça
Quand tu sauvais la face
A bien d'autres que moi
Sache que je n'oublie rien mais qu'on efface
A ton étoile
A ton étoile
A ton étoile
A ton étoile
Toujours à l'horizon
Des soleils qui s'inclinent
Comme on n'a pas le choix il nous reste le cœur
Tu peux cracher, même rire, et tu le dois
A ton étoile
A ton étoile
A Marcos
A la joie
A la beauté des rêves
A la mélancolie
A l'espoir qui nous tient
A la santé du feu
Et de la flamme
A ton étoile
A ton étoile
A ton étoile
A ton étoile"
En tous cas, quand le mur est tombé et quand les rêves se sont envolés, ils pensaient toujours que le monde occidental pourrissait et que le libéralo-capitalisme nous menait droit dans le mur. Aujourd'hui que nous sommes en pleine crise financière et que de plus en plus de monde finit sur le carreau, difficile de ne pas être d'accord une fois encore.
"Comme elle vient
A se changer en Roi
A hurler à la lune
A traquer la fortune
Tout ça pour traîner son poids
Au risque de s'y plaire
Au moment de s'y croire
Sonnez les courants d'aire
Faites donner l'exutoire
Il faudrait qu'on s'élève
Au fond il a d'la classe
Ou alors qu'on prenne la sève
Comme elle vient
Encore et encore
Tu la vois la belle bleue
Des feux de l'artifice
Et tu la sens même un peu mieux
A la faveur d'une éclipse
On voit du jour au lendemain
Que ça ne s'invente pas
Instantanément comme ça
Reprendre de volée d'aussi loin
Comme elle vient
Encore et encore
Comme elle vient
Comme on peut
C'est cruel et sans fard
Ça choisit pas, merci pour eux
Comme une flèche
Comme un pieux
C'est bon pour la mémoire
Ça vous fait quoi d'être au milieu ?
Hé camarade
Si les jeux sont faits
Au son des mascarades
On pourra toujours se marrer
Et tout le long des courants d'air
On voit des amoureux
Que savent encore changer leurs nerfs
En un bouquet délicieux
On en aura des saisons
Des torrides et des blêmes
Je peux encore garder ton nom
Je peux aussi dire que je l'aime"
J'aurais pu mettre d'autres chansons mais inutile d'en mettre 50.000 ....
Une dernière chose, à faire attention aux paroles, j'ai bien remarqué les références au sous-commandant Marcos, figure du EZLN (Ejercicio Zapatista de Liberacion Nacional, soit l'Armée Zapatiste de libération nationale), région du Chiapas au Mexique.
Nb: L'insurrection de 1994 au Chiapas a soudainement attiré l'attention du monde sur cette région touristique mais pauvre du sud du Mexique. Incarné par le médiatique sous-commandant Marcos, le mouvement néo-zapatiste met en avant des revendications indigénistes, sur fond de profonde crise économique et sociale.
Là encore, il y a eu beaucoup de mirages, d'illusions ... sur l'anarchie, la conquête de la liberté, la révolution ... J'ai même vu dernièrement un reportage qui montraient la conquête touristique du Chiapas : les altermondialistes, les sympathisants de la gauche gauche, les rebelles, même les bobos de tous bords vont passer quelques semaines dans la région. Les gens du coin ont même profité de l'aubaine en ouvrant des petites boutiques qui vendent des foulards, des figurines, des drapeaux à l'effigie de Marcos et de ses confrères. [Et consoeurs aussi ! Car figurez-vous que (je l'ai lu je ne sais plus où) les femmes zapatistes sont très actives (et pourtant dieu sait comme le mexique peut être ultra misogyne !). Elles s'engagent jeunes et sans peur, si elles doivent prendre les armes, elles les prennent avec les copines sans se poser de question, elles sont très fidèles à leur mouvement et restent le poing levé aussi longtemps qu'elles peuvent tenir debout!]
Bref, tout ça pour dire que, certes, Noir Désir est engagé et s’illusionne probablement. (par exemple, au Chiapas, ils sont loin de rigoler tous les jours! Mais bon … s’il faut passer par là … et puis, la cause reste noble, je ne dis pas le contraire). Cependant, il reflète bien notre époque et ce, depuis l’avant-89. Et, un jour, on citera Noir Désir pour en parler (de notre époque).